La
saga des Lifting Bodies |
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X.
Un premier vol mitigé |
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Création/Mise à jour : 20/08/2003 |
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Un premier vol mitigé: Un problème nouveau se pose avec l’adjonction de la masse arrière du réacteur-fusée. Il faut alourdir l’avant des deux véhicules pour conserver leur assiette en vol. A l’époque où l’atome fait rage, on n’hésite pas à proposer l’uranium appauvri comme lest. Tous les avions en possèdent (même les avions de ligne d’aujourd’hui), et le métal est manipulable sans trop de difficultés. Seule l’intervention des pilotes, pas trop désireux d’avoir entre les jambes des émetteurs de radiation empêchera l’usage de ce matériau. A la place, c’est pas grave, on songe même à prendre un des plus lourds : de l’or, eh oui, à 35 dollars l’once à l’époque ! Les pilotes des véhicules circuleront-ils avec des lingots entre les jambes ? Non, en définitive, les ingénieurs de Northrop créent tout simplement un cockpit blindé, d’acier épais riveté qui sert de lest, et protège d’autant plus le pilote. Quelques mois plus tard, ce choix délibéré prendra toute son importance. Le 15 juin 1965, le M2F2 est terminé à l’usine Hawthorne de Northrop. Le bébé pèse 2,8 tonnes à vide (et jusque 5 avec ses ballasts d’eau) pour 6,50 de long et une envergure d’à peine 3 mètres. Cette fois, il possède un train d’atterrissage rétractable à l'aide de cartouches d'azote. Un appareil électronique fait son apparition le SAS, (pour Stability Augmentation System), le siège éjectable zéro-zéro est « emprunté » au Delta Dart 106. Quatre fusées de 200 kilos de poussée chacune permettent le contrôle à l’atterrissage. Les deux nouvelles machines ont ensuite testées en tunnel, mais cette fois accrochées au pylône de l’aile du B-52, qui a servi jusqu’ici au X-15. Des modifications sont donc faites sur l ‘avion porteur, essentiellement pour éviter la collision en vol lors du largage. Pour fignoler, on va même jusqu'à tester le comportement simulé de deux machines à bord d’un T-33 modifié. Il présente la particularité d’avoir des pétales qui s’ouvrent sur chaque réservoir de bout d’aile pour simuler la descente sous 2G prévue pour les fers à repasser. Pour la première fois également, un ordinateur à circuit intégré est à bord pour calculer les effets de sustentation obtenus. On termine par des vols d’essais captifs du B-52 avec chacun des deux modèles. Il devient grand temps de les lancer ! |
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Brique qui tombe… annonce un drame La NASA n’est pas au mieux cet été là. Tout le monde a en mémoire l’incroyable crash du XB-70, survenu le 6 juin, et la perte de Joe Walker, à bord du Starfighfter, qui avait abordé le si bel oiseau. Un mois à peine après, le 12 juillet 66, le M2F2 est largué du B-52 à une altitude de 45 000 pieds. L’engin, dès son largage, se met à tanguer et vouloir partir en tonneaux. Milt Thompson tente d’y remédier, mais se trompe dans les réglages et accentue ses déboires. Le tonneau est inévitable, quand Milt reprend les commandes avec les bons réglages cette fois. Docilement, la brique reprend sa trajectoire vers 3 000 pieds seulement. A 1 200 pieds, l’arrondi final est amorcé à la vitesse de 280 nœuds. A 218, nœuds, le train sort est sorti et le véhicule de nouvelle génération se pose. Au debriefing, on s’apercevra que le simulateur employé, celui destiné au X-15, était à l’origine de l’erreur du pilote. Les vols continuèrent, le cinquième étant l’occasion de la « retraite » anticipée de Milt Thompson, et l’un avec l’inévitable Gentry, qui dût, au délicat moment de l’atterrissage, retirer son harnais pour atteindre la commande de sortie de train, le cockpit ayant été dessiné autour de pilotes plus grands que lui… |
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Le 21 décembre, c’est au tour du HL-10 d’être largué.. Le vol s’avère à peu près correct, malgré des vibrations et des trépidations intempestives, un manche beaucoup trop sensible et l’atterrissage beaucoup plus rapide que le M2F2 : l’engin touche le sol à 322 miles/heure après 189 secondes de vol seulement soit 14 000 pieds-minute de taux de descente (effrayant !). Trop rapide… l’équipe de Northrop n’a décidément pas la dextérité de celle de la NASA. Wen Painter, l’ingénieur système responsable, décide de clouer au sol le HL-10 tant que ces problèmes ne seront clairement résolus. Il deviendra la « reine du hangar » pendant 15 longs mois. On modifiera ses ailerons, en cambrant vers l’extérieur leurs bords d’attaque, pour éliminer les tourbillons perturbateurs créés à l’extrados, à l’origine des vibrations. Quand il ressortira, ce sera pour faire 36 vols supplémentaires, tous appréciés par les pilotes, qui aimaient aussi son « look » de « poisson furtif ». Son voisin rondouilard, le M2F2 en profite entre-temps pour recevoir son propulseur tout droit sorti… du musée. Le 10 mai 1967, il s’envole pour sa troisième descente contrôlée. Largué à 44 000 pieds, il commence sa descente. A 7 000 pieds, l’engin s’engage dans un mouvement de « Dutch roll » Pour contrecarrer, le pilote, Bruce Peterson redresse le nez. Ça marche, mais l’appareil a raté axe d’entrée sur la piste 18. Au moment d’effectuer une autre trajectoire d’arrondi, Bruce croit apercevoir un hélicoptère d’accompagnement dans sa trajectoire, et déclenche ses fusées d’atterrissage pour mieux contrôler ses derniers mètres. Il sort le train, mais l’épisode de l’hélico a interrompu la procédure, le train est à demi sorti et non verrouillé et déjà l’engin touche le sol. Le train est repoussé à l’intérieur, l’engin rebondit 6 fois, jusqu’à 20 m de haut, et termine sa glissade infernale à 250 km/heure. Tout le monde donne Peterson mort : personne ne peut résister à un tel crash. Mais le cockpit alourdi s’est comporté comme un véritable tank : bien que très sévèrement touché, il est vivant, avec une fracture du bras, une autre du crâne, et un œil définitivement perdu, son casque ayant explosé. |
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Il revolera cependant, après plusieurs opérations : on le retrouvera des années après à bord des F8 et des F111 et en qualité d’officier de sécurité des tests (?) pour le B-2. Mais Peterson est célèbre d’une autre manière : son crash, filmé de bout en bout, devint le générique d’une série télévisée (« L’homme qui valait 3 milliards »); en devenant « l’homme bionique » aux parties du corps remplacées ! Certains candides lui demanderont même plus tard si effectivement on lui avait remplacé des éléments du corps humain ! Suite à ces deux épisodes, pendant toute une année, les baignoires volantes sont remisées. Les fers à repasser sont interdits de vol pour de longs mois ! Autre fatalité, mais avec cette fois-ci mort d’homme : le 15 novembre 67, le X-15, entraîné dans un tonneau à Mach 5 devient incontrôlable à 81 080 m d’altitude et s'écrase après s'être désintégré sous 15 G et à plus de 18 km d’altitude. Le pilote, Mike Adams, trouve la mort (récit complet du crash). La préparation de la navette se fait dans la douleur… et pire encore, le programme Apollo est dans les choux. Le 27 janvier de la même année, Grissom, White et Chaffee se font griller vivants, sous atmosphère d’oxygène pur, dans leur cabine, lors de la répétition du premier vol habité de la cabine. La porte de la cabine est tellement complexe à ouvrir qu’ils ne peuvent en réchapper. Le programme s’interrompt pour 18 mois. L’Amérique retient son souffle : et si les Russes, toujours à l’affût, débarquaient sur la Lune avant eux ? |
Sources : Auteur de ce dossier : Didier Vasselle |
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