La
saga des Lifting Bodies |
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III.
Des militaires plus intéressés par le Viet-Nam |
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Création/Mise à jour : 20/08/2003 |
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On sait en effet, comme décrit dans le livre de Tom Wolfe et le film qui en a été extrait, « l’Etoffe des héros », que les débuts de l’aventure spatiale américaine ont frisé à plusieurs reprises la catastrophe : les premières fusées qui sautent comme des pétards mouillés (Vanguard, Jupiter, Junon, Atlas, la liste des explosions au sol s’égrène), Virgil Grissom qui voit sa capsule plonger au fond de l’océan, et au moment même du premier vol d’un « lifting body », John Glenn, qui effectue un retour en catastrophe sur terre, son bouclier ablatif ne tenant que par un cheveu (plus exactement trois sangles d’acier qui maintenaient sa rétro fusée). On comprend que les responsables américains, échaudés, hésitent à communiquer à propos de leurs projets, et censurent toute info jugée cruciale. On sait que l’ambassade d’URSS a toujours été abonnée à Popular Mechanics. Mais de là à laisser dans l’ombre ce projet… il doit y avoir d’autres raisons. En réalité, les pontes du Pentagone qui se cachent derrière la très officielle NASA, qui a succédé à la NACA, ne croient pas une seconde à ces engins : comment voulez-vous transformer cette enclume larguée de 30000 pieds en chasseur du VietNam, dans laquelle l’Amérique s’enlise ? |
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Des millions de dollars sont engloutis dans cette guerre où le nec plus ultra de la technique de bombardement s’oppose à une population qui vit dans des terriers : à qui bon en donner quelques milliers à ces lanceurs de briques ? Ces engins ne sont pas des avions, s’exclament plusieurs militaires de l’USAF ! Le conservatisme sévit décidément partout, et les ingénieurs le subissent financièrement, coincés entre le programme Apollo qui retient toute l’attention, et les fonds nécessaires pour construire les aéroglisseurs Vietnamiens…. empruntés à la technologie anglaise. L’histoire se répète : aujourd’hui encore, par exemple, les militaires poussent G.W. Bush à construire un vaisseau « manœuvrant », à savoir une navette « offensive », à la place d’un « canot de sauvetage » pour la station orbitale internationale. C’est dans cette ambiance morose, cette défiance de l’establishment militaire pour ces jeunes chercheurs perdus en plein désert, que ces derniers préparent avec un enthousiasme sans limites et une foi inébranlable le futur vaisseau spatial des Etats-Unis. Celui qui succédera à la conquête de la Lune, que John Kennedy a officiellement lancé le 25 mai 61. Ces visionnaires ont cependant pour premiers supporters les pilotes eux-mêmes, ces casse-cou à la Yeager ou Crossfield, toujours prêts à sauter dans un bac possédant un manche et des ailerons, quel qu’en soit l’apparence extérieure. Et leur patron, Paul Brikle, qui se bat tous les jours à la NASA pour obtenir des crédits et des moyens. Pour l’instant, à vrai dire, le fameux vaisseau spatial des années 80 fait à peine 80 cm de long. Et il est… en balsa et en corde à piano ! |
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Tout a commencé au lac asséché de Rogers (Rogers Dry Lake), à l’est du désert de Mojave (Californie). Au sud l’autoroute 58, au Nord la sierra Nevada. A quelques encablures de la plus grande mine de borax du monde. A 600 m d’altitude, on y trouve un lac asséché, couvert de limon plat et dur, et non de sel comme on le croît habituellement, aussi vaste que la moitié de Manhattan. Ici où là, les fameux « Joshua trees » ces cactus immortalisés par U2 (le groupe de pop irlandais!). Un porte-avions terrestre idéal, surtout que le temps y est au beau fixe tout au long de l’année : en Californie, dans le désert, ça signifie plus de 50°C l’été… A part peut-être les tempêtes de sable, qui s’incruste jusqu’aux rouages et engrenages des machines à calculer mécaniques Frieden, ancêtres des computers, manœuvrés à l’époque par une cohorte de filles qui travaillent à la base. Du soleil, des pistes d’envol et des filles : c’est bien là le paradis des pilotes ! La base aérienne de Muroc y est donc installée, depuis les années 30. L’origine du nom est à conter : bien avant qu’on n’y teste des avions, une famille de fermiers qui s’est installée en 1910 s’appelait Corum, Désireux de s’inscrire auprès du shérif local, ils apprirent qu’une famille Coram existait en Californie. Pas décontenancés, ils choisirent alors de s’appeler Muroc (Corum à l’envers). Le nom de famille inversé est devenu le nom du lieu. Le site avait été investi en 1843 lors de ces fameux « road trains » partis du Missouri : un des convois s’était égaré…à sa tête, un cow-boy dénommé Joe Walker. Un siècle plus tard, un homonyme, ou un descendant, qui sait, réaliserait des prouesses aux commandes des fameux X1 et X-15, avant de se tuer bêtement en s’approchant trop près d’un autre oiseau blanc mythique… En 1950, Muroc devient Edwards, du nom d’un pilote d’aile volante Northrop qui s’est écrasé là deux années auparavant. Car la mort ailée aussi rôde dans les parages… |
Sources : Auteur de ce dossier : Didier Vasselle |
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