La
saga des statoréacteurs |
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XII.
Les statoréacteurs nucléaires |
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Création/Mise à jour : 22/08/2004 |
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Au milieu des années cinquante, la guerre froide accéléra le besoin d’un missile stratégique intercontinental donc possédant un très long rayon d’action. Une des possibilités pour obtenir cette portée était la propulsion nucléaire alors en cours d’étude pour des bombardiers stratégiques (voir histoire de la propulsion nucléaire aéronautique). La firme Vought avait, en 1957, constitué une équipe sous la direction du Dr. Walt Hesse pour faire des études sur le sujet. En août 1958, suite à l’envoi de spécifications par l'USAF à l'industrie aéronautique, Vought Aircraft, North American et Convair furent sélectionné pour étudier la faisabilité d'un missile de croisière stratégique à propulsion nucléaire. Suite à ces études, Vought remporte un contrat, début 1961, pour les études d’un missile à propulsion nucléaire. Marquardt obtint le contrat pour la construction du statoréacteur tandis que le cœur nucléaire devait être construit par le Lawrence Livermore National Laboratory. Ce missile, appelé SLAM (« Supersonic Low Altitude Missile »), devait donc être équipé d’un statoréacteur dont la source d’énergie était un réacteur à fission nucléaire fonctionnant à un niveau de puissance de 600 mégawatts. Le réacteur ne devait pas avoir de protection anti-rayonnement, le missile étant évidement inhabité. |
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Le principe de fonctionnement du statoréacteur nucléaire est identique à celui des statoréacteurs classiques sauf que la chambre de combustion est remplacée par un réacteur nucléaire. La chaleur dégagée par la fission nucléaire sert à surchauffer l’air atmosphérique qui est ensuite détendu dans la tuyère. Le statoréacteur envisagé pour le SLAM devait produire une poussée de 16 tonnes pendant une durée virtuellement illimitée. Le missile devait être lancé du sol par trois boosters à poudre puis voler à Mach 3 à base altitude (300 mètres) en utilisant un système de guidage TERCOM semblable à celui du B-61 Matador. Arrivé à proximité d’une cible, il devait larguer une première charge thermonucléaire puis continuer sa route vers la cible suivante. L’armement embarqué devait être d’une douzaine de tête nucléaire. Le SLAM était vraiment un missile de cauchemar puisqu’en plus de ses charges nucléaires, l’onde de choc générée par le vol à Mach 3 à 300 mètres d’altitude provoquerait des dégâts au sol sans parler de la traînée radioactive et de l’épave du missile avec son réacteur nucléaire terriblement radioactif. Une version aéroportée avait également été envisagée ainsi qu’une version devant voler à Mach 4 à haute altitude. |
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La présence d’un réacteur nucléaire imposait l’emploi de matériaux qui pourraient supporter non seulement des températures élevées mais également un rayonnement élevé. Certains sous-ensembles exigeaient une certaine quantité de blindage anti-radiation. Les investigations aboutirent à la conclusion que les sous-ensembles de missile étaient disponibles ou pourraient être rapidement disponibles pour le SLAM. Les essais en vol du missile étaient prévus au-dessus de l'océan pacifique dans la zone des tests atmosphériques d'armes nucléaires. Bien que le SLAM ne fut jamais construit, deux statoréacteurs nucléaires furent testés au début des années 60 dans le cadre de ce programme et sous le nom de projet Pluto dirigé par le Dr. TC Merkle. Les statoréacteurs furent assemblés sur le site de Jackass Flats au Nevada. Le système comprenait d’importantes installations pour la production d’air comprimé pour alimenter le statoréacteur puisque celui-ci était testé au sol et donc immobile. Il y avait une grande série de canalisation à haute pression, des compresseurs et un système de réservoirs de billes d’acier préalablement chauffés et qui servait à transférer de la chaleur à l’air comprimé. Le statoréacteur était transféré sur le lieu de l’essai sur une petite voie ferré. Les essais étaient contrôlés à distance par des opérateurs enfermés dans un bunker anti-radiation. |
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Le premier statoréacteur, appelé Tory IIA fonctionna pour la première fois pendant quelques secondes le 14 mai 1961. C'était un réacteur à cycle direct refroidi par air. Il utilisait comme élément combustible de l'uranium fortement enrichi, mélangé de façon homogène à de l'oxyde de béryllium. Pour son premier essai, il fonctionna à plus de 1300°C à un tiers de sa puissance pendant 45 secondes. Le temps de fonctionnement était limité par la capacité des réservoirs de stockage qui fournissait l'air au moteur à une pression de 24,6 kg/cm2 et a une température de 1000°C. Le deuxième statoréacteur d'essai, Tory IIC, avait un réacteur plus évolué avec un plus grand cœur nucléaire de 1,44 mètres de diamètre et une longueur hors tout d’une douzaine de mètres. Le Tory IIC commença ses essais en 1964 et atteignit peu après une puissance de 513 mégawatt et une poussée de 15890 kg pendant 5 minutes. Merkle commença ensuite les études d’un statoréacteur nucléaire plus compact et léger mais aussi plus puissant pour équiper le SLAM et lui permettre d’atteindre Mach 4, le Tory III. Cependant, après sept ans de recherche et de tests assez réussis, le projet Pluto fut annulé le 1er juillet 1964. Comme le Navaho, le SLAM était trop cher et trop peu performant par rapport aux missiles balistiques et, en plus, trop polluant à cause de sa traînée radioactive. En URSS, Bondariouk avait également étudié un statoréacteur nucléaire pour une fusée ailée nucléaire (KAR) sans que l’on sache jusqu’à quel stade furent mené ces travaux.
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La saga des statoréacteurs |