La
saga des statoréacteurs |
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XVI.
Les missiles sol-air à statoréacteur -suite- |
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Création/Mise à jour : 22/08/2004 |
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Au début des années cinquante, l’USAF mettait également au point son propre missile d’interception longue portée, le F-99 Bomarc. Ce projet de Boeing remontait aux études et tests en vol de Boeing pour le XSAM-A-1 GAPA (Ground-to-Air Piloted Missile, MX-606) et les projets MX-795 Thumper de General Electric et MX-794 Wizard de l’UMARC (University of Michigan Aeronautical Research Center). Les projets Thumper et Wizard étaient des missiles anti-missiles longue portée qui ne dépassèrent pas le stade des études et n’étaient d’ailleurs pas propulsé par statoréacteurs. Le Boeing GAPA, qui était la toute première réalisation de Boeing dans le domaine des missiles, avait deux étages avec une première version (Model 600) qui expérimenta la propulsion solide pour les deux étages. La deuxième version (Model 601) testa un premier étage à poudre et la propulsion liquide pour le second. La troisième version était propulsée par un booster à poudre pour le premier étage et un statoréacteur pour le second (Model 602). Le premier tir eu lieu le 13 janvier 1946 et jusqu’en août 1950 plus de 100 missiles furent testé en vol. Le GAPA ne fut pas construit en série mais Boeing reçut en 1949 un contrat de l’USAF pour le développement d’un système de missile sol-air sous le code projet MX-1599. Ce missile devait être un « intercepteur non piloté » à tête nucléaire et propulsé par statoréacteur. Ce fut d’ailleurs le seul missile air-sol mis en oeuvre par l’Air Force, tous les autres l’étant par l’US Army. |
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Alors que le Nike de l'US Army servait à la défense des villes ou des sites industriels, le Bomarc fut conçu pour s’opposer à des raids massifs de bombardiers volant à 25 000 mètres d’altitude et à des distances de 320 kilomètres. L’USAF considérait ce missile comme un avion sans pilote et le nomma logiquement F-99 car il suivait les intercepteurs pilotés alors en développement comme le Lockheed F-94 ou d’autres missiles comme le Hughes F-98 "Falcon". Le missile prit le surnom de BOMARC pour BOeing et Michigan Aeronautical Research Center. Les essais initiaux du prototype du Bomarc, le XF-99 commencèrent en septembre 1951, ce prototype ne testant que le booster du Bomarc. C’est avec le XF-99A que les essais avec statoréacteur commencèrent en février 1955. Les pannes du système de propulsion et du système de contrôle et d'autres difficultés avaient provoqué de nombreux échecs et il était évident que le programme prendrait beaucoup de retard si un important effort de recherche amont n’était pas accompli. C’est pourquoi le véhicule expérimental X-7 fut réquisitionné pour la mise au point des statoréacteurs Marquardt RJ43-MA-3 destinés au Bomarc A. Ces statoréacteurs avaient une géométrie d’entrée d’air fixe et une vitesse maximale de Mach 2,8. Le système intégré de chambre de combustion/tuyère était conçu pour la croisière à 25 000 mètres. Le circuit d'allumage de chaque moteur comportait deux fusées pyrotechniques. Il n'y avait donc aucune capacité de redémarrage en vol. En août 1955, l’USAF modifia sa façon de nommer ses missiles et le bomarc devint le IM-99A. Le premier prototype opérationnel YIM-99A commença ses essais en vol en octobre 1957 puis le missile fut mis en service en septembre 1959 à peu près en même temps que le Talos de la Navy. Le Boeing Bomarc A décollait d’un abri sous la poussée d’un booster à propergol liquide Aerojet General LR59-AJ-13. Quand le mur du son était franchi, les deux statoréacteurs Marquardt RJ43-MA-3 étaient démarrés puis le missile atteignait son régime de croisière à Mach 2.8 et 20000 mètres d’altitude. Le missile avait une portée maximale de 400 km. |
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Le guidage du Bomarc était assuré par les instructions fournit du sol par le système SAGE (Semi-Automatic Ground Environment), un réseau de radar longue distance. A proximité de la cible, le propre radar Westinghouse AN/DPN-34 du Bomarc prenait le relais jusqu’à l’explosion finale. La charge militaire était soit une tête conventionnelle, soit une tête nucléaire W-40 de 10 kT. Au milieu des années 50, Boeing commença le développement d’une version améliorée IM-99B principalement au niveau de la propulsion. Le booster à carburant liquide, peu pratique car il fallait deux minutes pour remplir les réservoirs, fut remplacé par un booster Thiokol XM51 à propergol solide. Les statoréacteurs RJ43-MA-3 étaient remplacés par deux RJ43-MA-7 qui fournissaient une poussée de 5440 kgp. Comme le booster XM51 prenait moins de place dans le missile, les réservoirs de carburant pour les statoréacteurs furent agrandis et la portée passa à 710 km. Le premier XIM-99B Bomarc B fut lancé en mai 1959 et l’engin mit en service en juin 1961. Contrairement au Bomarc A, tous les Bomarc B avaient une tête nucléaire W-40. Ce missile fut également utilisé par le Canada. En 1963, les IM-99A et IM-99B furent renommé CIM-10A et CIM-10B puis CQM-10A et CQM-10B quand il furent reconverti en cible aérienne après leur retrait du service en 1972. |
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C’est également au début des années 50 que les Britanniques se lancèrent dans le développement de missile sol-air à statoréacteur. La société Bristol commença par développer un statoréacteur en collaboration avec Boeing dans le cadre du programme « Red Duster » (ou Projet 1220) débuté en 1947 pour fournir des missiles sol-air à la RAF. Bristol testa ensuite une série de missiles expérimentaux à statoréacteur nommé « eXperimental Test Vehicles, XTV » puis une deuxième série « eXperimental Red Duster, XRD ». D’autres véhicules de test furent également expérimentés en vol comme le missile JTV.1 qui décollait sous la poussée de deux boosters à poudre. Deux statoréacteurs de 150 mm de diamètre prenaient ensuite le relais. Les premiers vols ne furent pas très encourageants en raison des piètres performances du statoréacteur britannique et la RAF commanda le missile English Electric Thunderbird, un SAM entièrement propulsé par moteur-fusée et qui ressemblait d’ailleurs un peu au Red Duster. Pour résoudre le problème du statoréacteur, Bristol adopta la chambre de combustion d’un statoréacteur du National Gas Turbine Establishment (NGTE). Le véhicule d’essai correspondant, le XRD.2, était bien meilleur et correspondait à peu près au Bloodhound I. Ce missile fut ensuite amélioré sous la forme du Bloodhound II avec deux statoréacteurs Thor et un système de guidage radar plus performant. C’est cette version qui fut mise en service en 1964 dans la RAF, puis en Australie, en Suisse et en Suède. Le Bloodhound II portait à environ 80 km à une vitesse maximale d'environ 3600 km/h.. La charge explosive, qui était placé au milieu du missile, était très puissante. Il y eut aussi un projet de Bloodhound III à tête nucléaire. La mise à feu était déclenchée par une fusée de proximité. Le Bloodhound décollait sous la poussée de quatre boosters à carburant solide qui étaient largués lorsque la vitesse devenait supersonique. Deux statoréacteurs Thor, montés à l'extérieur du fuselage dans des nacelles, prenaient ensuite le relais. Le Bloodhound était toujours en service dans la RAF dans les années 90 bien que complètement dépassé. Au moment ou le Bloodhound entrait en service dans la RAF, la Royal Navy commandait le développement de son propre missile surface-air à statoréacteur, le Hawker-Siddeley Sea Dart. Celui-ci devait remplacer le Sea Slug et était beaucoup plus petit que le Bloodhound. C’était un missile à deux étages dont le premier, à poudre, propulsait le missile jusqu’à la vitesse d’allumage du statoréacteur Rolls-Royce Odin (conçu à l’origine par Bristol Siddeley Engines). Le Sea Dart entra en service dans le Navy en 1973 et en fut retiré à la fin des années 90. Les Argentins en commandèrent une centaine d’exemplaire pour leur marine. Les Argentins furent également les seules victimes du Sea Dart puisque sept de leurs appareils furent abattus par ce missile lors de la guerre des malouines. |
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Les Russes se lancèrent aussi dans l’étude des missiles surface-air à statoréacteur vers le milieu des années cinquante. Le premier missile connut de ce type est le 3MB Kroug (ou SA-4 Ganef). L’engin, de 8,84 mètres de long avait un diamètre de 0,80 mètres et pesait 2802 kg. C’était un missile à deux étages avec quatre boosters à poudre faisant office de premier étage. Le deuxième étage était propulsé par un statoréacteur Bondariouk 3Ts4 de 850 mm de diamètre. Il était guidé un radar, volait à Mach 2,3 jusqu’à une altitude de 20 km et avait une portée maximum de 90 km ce qui en faisait un équivalent du Bloodhound britannique. Il est entré en service en 1964 et dans plusieurs pays satellite de l’URSS. Le 3M9 Kub (ou SA-6 Gainful) était un missile sol air propulsé par un statoréacteur rustique c’est à dire avec un accélérateur à poudre intégré dans le corps du statoréacteur. Ce type de statoréacteur fut développé au TsIAM entre 1959 et 1965. Ce missile de 5,80 m de long et d’un diamètre de 0,33 m pèse 580 kg. Guidé par radar, il a une portée de 24 km et une altitude maximale de 12 km. Ce missile a été utilisé dans de nombreux pays et semble toujours en service dans certains d’entre eux. Il exista également une version à statoréacteur de la fusée V-750 (SA-2 Guideline, construit par l’OKB-2 de Grouchine), la V-757, développée en 1959. Comme la V-750, c’était un missile à deux étages, à poudre pour le premier et à statoréacteur pour le second. Ce statoréacteur était en fait une « statofusée » à combustible solide dans lequel un propergol solide à faible taux d'oxydant brûlait et alimentait la chambre du statoréacteur avec les produits gazeux issus du générateur. Ces produits brûlaient alors avec l’oxygène de l’air exactement comme dans les statoréacteurs à carburant liquide. Cette version ne fut cependant pas mise en service.
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La saga des statoréacteurs |