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Le Lockheed CL-400 Suntan

XII. Les usines d'hydrogène

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I. Présentation

II. Introduction

III. Les premiers contrats d'études
IV. Le CL-400
V. La production de l'hydrogène
VI. Réservoirs et systèmes
VII. L'hydrogène carburant
VIII. Premiers moteurs à hydrogène
IX. Le P&W J-57 à hydrogène
X. Le P&W model 304
XI. Les essais du P&W 304
XII. Les usines d'hydrogène
XIII. La fin du CL-400
XIV. L'héritage du CL-400
XV. Bibliographie
 

En parallèle avec les tests de moteur, le programme des tests composant, et les essais combinées ont créé une forte demande en hydrogène liquide, une situation prévue par l'Armée de l'Air.

L'affectation primaire du capitaine Jay Brill dans l'équipe de gestion du Suntan était la logistique de l'hydrogène liquide. Une de ses premières action a été de contacter la commission à l'énergie atomique au sujet du matériel utilisé pour le programme de bombe à hydrogène. Il voulait obtenir plusieurs des vases Dewar frigorifiques de transport développés pour le programme. En avril 1956, il a commencé une étude des sociétés industrielles pour évaluer leur capacité et intérêt pour la production d'hydrogène pour le programme.

Wright avait élaboré un cahier des charges pour l'hydrogène liquide et a donné au carburant le nom de code "SF-l" . Brill était accompagné sur ses visites de Marc et de Blackwell (Blacky) Dunnam. Marc était chef des carburants et la division lubrifiant du laboratoire avait de l'expérience avec le matériel cryogénique. Ils ont visité Linde Company à New York, et Air Products Company dans Allentown, Pennsylvanie. Brill est revenu à Dayton convaincu que de grands liquéfacteurs d'hydrogène pourraient être construits avec la technologie existante. Arthur D. Little s'est vu attribuer un contrat au titre de conseiller dans la liquéfaction et la manipulation d'hydrogène ainsi que pour les études et procédures de sûreté. L'US Air Force s'est également adjoint les services de Russell Scott et d'autres experts du laboratoire cryogénique de Boulder. 32

Dans son étude des sociétés industrielles, Brill a constaté qu'il y avait d'abondance de la capacité en hydrogène gazeux par plusieurs processus. L'hydrogène existait en grande quantité comme sous-produit à Painesville, Ohio. C'était dans une division de produits chimique de Borg Warner Corporation. Elle était également près du laboratoire de NACA Lewis, qui aurait besoin bientôt de l'hydrogène liquide pour ses recherches. Pour ces raisons, l'US Air Force signa des contrats pour faire construire une usine d'hydrogène liquide de capacité 680 kg/jour à Painesville.

En même temps, deux autres contrats pour des usines de taille semblables ont été attribués. Le premier avec Stearns-Roger pour une usine à Bakersfield, Californie, pour supporter le programme CL-400 chez Lockheed et l'autre avec HydroCarbon pour une usine en support à Pratt & Whitney à Hartford Est. L'usine de Painesville a été nommée "Baby Bear" et fut la première à devenir opérationnelle, en mai 1957, avec un coût de $2 millions. Le contrat avec HydroCarbon a été annulé pour des raisons budgétaires. 33 L'hydrogène nécessaire à Pratt & Whitney à Hartford était fournis par camion à partir de "Baby Bear".

Une autre tâche de Brill était le transport de l'hydrogène liquide. Des caractéristiques pour des camions de transport avaient été élaborées par Wright Field et un contrat a été attribué à la société Cambridge Corp. Parallèlement, la permission était obtenue de la Commission de commerce entre Etats de transporter l'hydrogène liquide par semi-remorques. Les semi-remorques etaient étiquetés "liquide inflammable", puisqu'indiquer le contenu réel remaitrait en cause la sécurité du projet. La semi-remorque U 1 construite par la société Cambridge avait une capacité de 26 500 litres, avec une cadence de perte d'hydrogène d'approximativement 2 pour cent par jour.

Les photos 46 montrent l'U-1 et son successeur, l'U-2. Les dernières caractéristiques ont été émises le 15 mars 1957 et l'U-1 a fonctionné avec un normal, mais imprévu, problème. La densité très faible de l'hydrogène rendait les essieux doubles inutiles sur la semi-remorque, ainsi l'U-1 en possédait un seul. Pendant l'utilisation de ce matériel, il s'est produit une série sans fin de problèmes, provenant tous de l'axe simple, qui semblait trop fragile pour un semi-remorque aussi grand. Il semble que chaque fois que un de ces grands semi-remorque passait par un état il suscitait des soupçons et des enquêtes au sujet de la nature du chargement. * L'équipe du Suntan a envisagé de peindre un deuxième faux axe sur les semi mais c'était trop évident, et ils ont résolu le problème en commandant l'U-2 avec son deuxième axe qui n'était pas nécessaire pour le chargement mais qui n'a soulevé aucune question sur la route. 34

Pour satisfaire les demandes prévues d'hydrogène liquide en Floride chez Pratt & Whitney, l'Armée de l'Air décide de localiser une grande usine de liquéfaction d'hydrogène tout près. United Aircraft a obligeamment transféré une un terrain au gouvernement pour l'usine. L'US Air Force en confiera la construction et l' exploitation à Air Products. L'usine, d'une capacité de 4500 kilogramme/jours, était en fonctionnement à l'automne 1957, à un coût de $6,2 .million. 35

Fig. 46. Le semi-remorque U-1 (dessus) transportait l'hydrogène liquide. L'axe simple, adéquat pour l'hydrogène de faible densité, a posé tant de problèmes avec les fonctionnaires qu'il a été remplacé par l'U-2 ayant un deuxième axe.


L'équipe du Suntan a appelé cette usine "Mother Bear" mais localement on l'a connu comme usine d'engrais Apix. APIX était un acronyme pour des produits expérimentaux. L'association avec les engrais a été encouragée par l'Air Force pour cacher la vraie identité du produit. "Mother Bear" ** utilisait le pétrole brut dans un processus chimique pour obtenir l'hydrogène gazeux. Des réservoirs de stockage d'hydrogène liquides était reliés aux bancs d'essai de Pratt & Whitney par un pipe line de 610 mètres de long. En avril 1958, le pipe line avait transporté 833 000 litres d'hydrogène liquide jusqu'à 1700 litres par minute pour les essais de composant et de moteur.

Même avant que "Mother Bear" ait été terminé, l'Armée de l'Air avait projeté une usine beaucoup plus grande de liquéfaction d'hydrogène pour répondre aux besoins des tests prévus pour le développement des moteurs P&W 304. Le contrat a été attribué à Air Product en 1957, et l'usine a été construite à quelques distance de "Mother Bear". Elle a coûté $27 millions et une fois en service en janvier 1959, a eu une capacité de 27 200 kilogrammes par jour. Le pétrole brut a été employé au début pour obtenir l'hydrogène gazeux mais le méthane a ensuite été utilisé. Cette usine, appelée "Father Bear" est venue trop tard pour le programme Suntan mais a servi un grand rôle dans le programme spatial qui a suivi.

* Dans un exemple, un fonctionnaire soupçonneux et frustré a trouvé une semi-remorque 45 kilogrammes trop lourde. Il a sommé le chauffeur de décharger l'excès mais naturellement, le chauffeur était impuissant pour faire cela. L'US Air Force a dû aller jusqu'au gouverneur de l'état pour arranger l'affaire. Entrevue avec Blackwell C. Dunnam, WADC, WPAFB, OH, 6 juin 1974.

** les ouvriers de "Mother Bear" étaient observateurs et bientôt la rumeur a circulé localement que des bombes à d'hydrogène étaient impliqués. Un colonel à la retraite, impliqué dans la défense civile, a soupçonné qu'une bombe à hydrogène était fabriquée au sein d'une communauté suspecte. Une délégation des fonctionnaires de sécurité de Washington a dû lui rendre visite et le convaincre de conserver le silence. Entrevue avec le colonel. A. Gardner (US Air Force). 19 septembre 1973.

Sources :

Cette série d'article est la traduction par mes soins d'un article plus général (et très intéressant) de la NASA sur l'emploi de l'hydrogène comme carburant :

LIQUID HYDROGEN AS A PROPULSION FUEL,1945-1959

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