En parallèle avec les tests
de moteur, le programme des tests composant, et les essais combinées
ont créé une forte demande en hydrogène liquide, une
situation prévue par l'Armée de l'Air.
L'affectation primaire du capitaine
Jay Brill dans l'équipe de gestion du Suntan était la logistique
de l'hydrogène liquide. Une de ses premières action a été
de contacter la commission à l'énergie atomique au sujet
du matériel utilisé pour le programme de bombe à hydrogène.
Il voulait obtenir plusieurs des vases Dewar frigorifiques de transport
développés pour le programme. En avril 1956, il a commencé une étude des sociétés
industrielles pour évaluer leur capacité et intérêt
pour la production d'hydrogène pour le programme.
Wright avait élaboré un cahier des charges pour l'hydrogène
liquide et a donné au carburant le nom de code "SF-l"
. Brill était accompagné sur ses visites de Marc et de Blackwell
(Blacky) Dunnam. Marc était chef des carburants et la division
lubrifiant du laboratoire avait de l'expérience avec le matériel
cryogénique. Ils ont visité Linde Company à New York,
et Air Products Company dans Allentown, Pennsylvanie. Brill est revenu
à Dayton convaincu que de grands liquéfacteurs d'hydrogène
pourraient être construits avec la technologie existante. Arthur
D. Little s'est vu attribuer un contrat au titre de conseiller dans
la liquéfaction et la manipulation d'hydrogène ainsi que pour
les études et procédures de sûreté.
L'US Air Force s'est également adjoint les services de Russell
Scott et d'autres experts du laboratoire cryogénique de Boulder.
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Dans son étude des sociétés
industrielles, Brill a constaté qu'il y avait d'abondance de la
capacité en hydrogène gazeux par plusieurs processus. L'hydrogène
existait en grande quantité comme sous-produit à Painesville,
Ohio. C'était dans une division de produits chimique de Borg Warner
Corporation. Elle était également près du laboratoire
de NACA Lewis, qui aurait besoin bientôt de l'hydrogène liquide
pour ses recherches. Pour ces raisons, l'US Air Force signa des contrats
pour faire construire une usine d'hydrogène liquide de capacité
680 kg/jour à Painesville.
En même temps, deux autres
contrats pour des usines de taille semblables ont été attribués.
Le premier avec Stearns-Roger pour une usine à Bakersfield, Californie,
pour supporter le programme CL-400 chez Lockheed et l'autre avec HydroCarbon
pour une usine en support à Pratt & Whitney à Hartford
Est. L'usine de Painesville a été nommée "Baby Bear"
et fut la première à devenir opérationnelle, en mai 1957,
avec un coût de $2 millions. Le contrat avec HydroCarbon a été
annulé pour des raisons budgétaires. 33 L'hydrogène nécessaire à Pratt & Whitney
à Hartford était fournis par camion à partir de "Baby
Bear".
Une autre tâche de Brill
était le transport de l'hydrogène liquide. Des caractéristiques
pour des camions de transport avaient été élaborées
par Wright Field et un contrat a été attribué à
la société Cambridge Corp. Parallèlement, la permission
était obtenue de la Commission de commerce entre Etats de transporter
l'hydrogène liquide par semi-remorques. Les semi-remorques etaient
étiquetés "liquide inflammable", puisqu'indiquer
le contenu réel remaitrait en cause la sécurité du
projet. La semi-remorque U 1 construite par la société Cambridge
avait une capacité de 26 500 litres, avec une cadence de perte
d'hydrogène d'approximativement 2 pour cent par jour.
Les photos 46
montrent l'U-1 et son successeur, l'U-2. Les dernières caractéristiques
ont été émises le 15 mars 1957 et l'U-1 a fonctionné
avec un normal, mais imprévu, problème. La densité très
faible de l'hydrogène rendait les essieux doubles inutiles sur
la semi-remorque, ainsi l'U-1 en possédait un seul. Pendant l'utilisation
de ce matériel, il s'est produit une série sans fin de problèmes,
provenant tous de l'axe simple, qui semblait trop fragile pour un semi-remorque
aussi grand. Il semble que chaque fois que un de ces grands semi-remorque
passait par un état il suscitait des soupçons et des enquêtes
au sujet de la nature du chargement. * L'équipe du Suntan a envisagé de peindre un deuxième
faux axe sur les semi mais c'était trop évident, et ils ont
résolu le problème en commandant l'U-2 avec son deuxième
axe qui n'était pas nécessaire pour le chargement mais qui
n'a soulevé aucune question sur la route. 34
Pour satisfaire les demandes prévues
d'hydrogène liquide en Floride chez Pratt & Whitney, l'Armée
de l'Air décide de localiser une grande usine de liquéfaction
d'hydrogène tout près. United Aircraft a obligeamment transféré
une un terrain au gouvernement pour l'usine. L'US Air Force en confiera
la construction et l' exploitation à Air Products. L'usine, d'une
capacité de 4500 kilogramme/jours, était en fonctionnement
à l'automne 1957, à un coût de $6,2 .million.
35
Fig. 46. Le
semi-remorque U-1 (dessus) transportait l'hydrogène liquide. L'axe
simple, adéquat pour l'hydrogène de faible densité, a
posé tant de problèmes avec les fonctionnaires qu'il a été
remplacé par l'U-2 ayant un deuxième axe.
L'équipe du Suntan a appelé
cette usine "Mother Bear" mais localement on l'a connu comme
usine d'engrais Apix. APIX était un acronyme pour des produits
expérimentaux. L'association avec les engrais a été encouragée
par l'Air Force pour cacher la vraie identité du produit. "Mother
Bear" ** utilisait le pétrole brut dans un
processus chimique pour obtenir l'hydrogène gazeux. Des réservoirs
de stockage d'hydrogène liquides était reliés aux bancs
d'essai de Pratt & Whitney par un pipe line de 610 mètres de
long. En avril 1958, le pipe line avait transporté 833 000 litres
d'hydrogène liquide jusqu'à 1700 litres par minute pour les
essais de composant et de moteur.
Même
avant que "Mother Bear" ait été terminé, l'Armée
de l'Air avait projeté une usine beaucoup plus grande de liquéfaction
d'hydrogène pour répondre aux besoins des tests prévus
pour le développement des moteurs P&W 304. Le contrat a été
attribué à Air Product en 1957, et l'usine a été
construite à quelques distance de "Mother Bear". Elle
a coûté $27 millions et une fois en service en janvier 1959,
a eu une capacité de 27 200 kilogrammes par jour. Le pétrole
brut a été employé au début pour obtenir l'hydrogène
gazeux mais le méthane a ensuite été utilisé. Cette
usine, appelée "Father Bear" est venue trop tard pour
le programme Suntan mais a servi un grand rôle dans le programme
spatial qui a suivi.