Ces prototypes de turboréacteurs n’étaient pas encore suffisamment au point mais le premier prototype, l’Ar-234 V1 fut transporté en juillet 1943 à Rheine, où les premiers essais au sol des réacteurs et les premiers roulages furent effectués le 21 juillet. Enfin, l’Ar-234 V1 codé TG+KB, réalisa son premier vol le vendredi 30 juillet 1943 avec le Fugkapitan Selle aux commandes.

La technique de décollage prévoyait de larguer le chariot une fois l’appareil à 60 mètres d’altitude. Des parachutes étaient ensuite déployés pour récupérer le chariot et permettre sa réutilisation. Cependant, le système de récupération n’était pas fiable et le chariot fût détruit lors de ce premier envol. A cause de la destruction du chariot, le second vol du V1 n’eut lieu que le mardi 10 août avec une nouvelle fois la perte du chariot. La procédure de largage fut alors modifiée, le chariot étant décroché dès le décollage de l’appareil.

Le chariot de décollage restait cependant assez délicat à utiliser et il était important de bien aligner l’appareil avant le décollage car le contrôle en direction était médiocre. A environ 160 km/h, le nez de l’avion se soulevait et le pilote larguait le chariot. Brusquement débarrassé d’une masse de 600 kg, l’appareil s’envolait aussitôt.

Cependant le système resta toujours peu fiable et lors d’un vol de reconnaissance opérationnel, l’Oberleutnant Horst Gôtz ne put larguer le chariot. Après avoir brûlé son carburant, il posa l’avion avec le chariot toujours en place et dut utiliser presque toute la longueur de la piste pour s’arrêter.

Au cours des premiers vols du V1, Selle atteignit la vitesse de 650 km/h et nota favorablement le comportement général de l’appareil. Les décollages demandaient de 750 à 1000 mètres de piste et les atterrissages se faisaient à environ 165 km/h.

Les prototypes V2 (DP+AW), V3 (DP+AX), V4 (DP+AY) et V5 (GK+IV) effectuèrent leur premier vol, respectivement les 13 septembre, 29 septembre, 26 novembre et 22 décembre 1943, aux mains de Selle pour les deux premiers, aux mains du Flugkapitan Janssen pour les deux autres. A partir du V5 les prototypes furent équipés de deux boosters d’aide au décollage fixé sous les ailes, d’un habitacle pressurisé et d’un siège éjectable.

Les boosters d’appoint Walter 109-500 de 495 kgp (et pesant 280 kg) étaient fixé sous les panneaux extérieurs de voilure. Une fois le carburant liquide des boosters d’appoint épuisés, ceux-ci étaient largués, puis récupéré avec un parachute pour être réutilisés. Un système de sécurité stoppait les boosters si un des deux tombait en panne afin d’empêcher que la poussée ne devint dangereusement asymétrique.

Le prototype V1 fût accidenté le 29 août 1943 et ne revola jamais plus. Le 1er octobre 1943, le V2 fût détruit lors de son cinquième vol suite à un incendie de réacteur. Malheureusement, Selle, le chef pilote d’essai d’Arado, trouva la mort dans l’accident.

Un ingénieur de la société Arado raconta ainsi les circonstances de l’accident :

«L’objet de ce vol était de déterminer le taux de montée. La montée fut achevée à 8900 m. Tous les 300 m, Selle relevait la température et la pression ; puis son moteur gauche a eu une défaillance. Il est descendu en piqué de 8950 m à 4500 m à la vitesse indiquée d’environ 305 km/h, et, a senti vibrer sa profondeur. Il a noté que les patins, qu’il voulait abaisser, refusaient de se déployer à 4400 m. Puis l’indicateur de vitesse est tombé en panne.

Il a rapporté tout ceci par radio, de sorte que cela soit consigné par écrit. Il a alors sorti les patins manuellement et a demandé qu’on vérifie s’ils l’étaient: il n’en savait rien dans son habitacle, car l’indicateur ne fonctionnait plus. A 1500 m, il a annoncé que son moteur gauche s’était éteint ; il a essayé de le rallumer, une minute et demie plus tard, il a rendu compte de secousses et de vibrations provenant des gouvernes de profondeur et des ailerons. Aux jumelles, il était alors possible de voir que le moteur gauche était en feu...».

L’avion piqua ensuite depuis environ 1200 m et s’écrasa au sol. Selon toute vraisemblance, l’incendie endommagea ou coupa les bielles des ailerons rendant l’appareil incontrôlable. Suite à cet accident, Arado modifia son appareil en installant des cloisons pare-feu au-dessus des réacteurs pour protéger l’intrados des ailes et un système d’élimination du carburant « de fuite ». Les prototypes furent également équipés d’extincteurs automatiques et, pour certains d’entre eux, d’un siège éjectable.

Malgré cet accident, l’avion suscitait un intérêt considérable comme appareil de reconnaissance mais aussi de bombardement. L’utilisation de l’Ar-234 comme bombardier fut évoqué au cours d’une conférence au RLM avant même le premier vol. Cependant, le fuselage de l’Arado 234 était si étroit qu’il ne pouvait pas être équipé d’une soute à bombe ni emporter des projectiles sous le fuselage à cause du train d’atterrissage à patins.

Sources :

Arado 234, juillet - août 1944
The Arado Ar-234
Ar 234 Blitz Luftwaffe's Nightingale
Arado Ar 234 Blitz
Arado Ar 234 'Blitz'
Arado Ar 234B/C Blitz (Lightning)
WWII German Aircraft Photos - Arado 234
Arado Ar TEW 16/43-19
Arado Ar E.377
Arado Ar E.555 series
luftarchiv.de