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IX. Les vols constructeurs
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Translate : in English in Spanish in German 9-6 Le deuxième vol propulsé

 

 

Un mois plus tard, le 17 octobre 1959, fut accompli le deuxième vol propulsé du X-15, au cours duquel il atteignit Mach 2,15 et 18 831 m d'altitude. Cette mission, identique à la précédente par ses objectifs et performances, était désignée " 2-2-6 ". Deux tentatives infructueuses l'avaient donc précédée. Ces deux échecs, du 10 et du 14 octobre, étaient principalement dus au mauvais fonctionnement du système de transfert d'oxygène liquide entre les réservoirs de complément du NB-52 et le X-15.

Ces échecs n'inquiétaient pas outre mesure les différents responsables du projet. Les essais du constructeur étaient destinés à mettre en évidence les faiblesses et les imperfections du X-15 pour les corriger.

Les ingénieurs n'avaient rien à apprendre d'un succès total alors qu'ils pouvaient analyser les échecs. La suite des événements devait apporter une illustration frappante de cette dynamique de l'échec, et témoigner du courage des équipages. Le 5 novembre 1959, pour la sixième fois en moins d'un mois se préparait à Edwards le troisième vol propulsé du X-15, dont le programme était calqué sur celui des vols précédents.

Il avait été prévu pour le 22 octobre mais, ce jour là, un commutateur avec lequel le pilote du X-15 arrêtait le transfert de l'oxygène liquide de complément, refusa de fonctionner. La mission fut encore une fois ajournée le 27 à cause d'un problème de vanne dans le circuit de peroxyde d'hydrogène.

Le X-15 après son atterrissage dur

 

 

Le 31, après deux nouveaux ajournements dus, cette fois, aux mauvaises conditions météorologiques, c'est encore une fois une météo déplorable qui provoqua l'interruption de la mission, à quelques minutes du largage. Cette détérioration des conditions climatiques était prévisible car la saison des pluies approchait avec l'hiver. Pendant cette période, d'une durée très variable, les précipitations étaient nombreuses et généralement fortes, et interdisaient les essais en vol. Les lacs asséchés, admirables plates-formes aéronautiques par temps sec devenaient, après la pluie, des lacs véritables !

Toute l'équipe responsable des opérations X-15 luttait donc contre la montre pour terminer l'année 1959 avec au moins cette troisième mission propulsée, désignée désormais "2-3-9", Le 5 novembre, le ballet aérien des F-104 accompagnant la "Stratofortress ", pilotés par Bob White et Joe Walker, se plaça à la verticale de Rosamond ; le X-15 se détacha puis chuta rapidement, suivi des deux "Starfighter". C'est alors qu'une explosion retentit.

Le X-15 plié.

On dirait que tu as le feu à bord ! " signala en même temps Bob White qui apercevait une faible lueur rouge au niveau du XLR-11 inférieur.

Affirmatif ! confirma Scott. " J'ai une alarme incendie. Je vais couper les moteurs et vidanger" Quelques secondes plus tard, tandis que les propergols fusaient rapidement de la queue de l'avion, Crossfield ajouta :

Je vais me poser à Rosamond !" L'incendie semblait avoir disparu. La lampe rouge du tableau de bord s'était éteinte et les avions d'accompagnement ne distinguaient plus d'incendie à l'arrière du X-15. Cependant, à tout moment, une explosion pouvait détruire non seulement le véhicule de recherche mais aussi les avions d'accompagnement qui l'encadraient en dépit du danger. Crossfield, Walker et White faisaient preuve d'un sang froid et d'un courage extraordinaires. Ils avait en commun la rigueur professionnelle et assumaient tous les risques.

Malgré tout, la descente puis l'approche sur Rosamond se déroulèrent convenablement et, jusqu'au toucher des skis, les accompagnateurs ne notèrent aucune anomalie. Tout paraissait normal et laissait entrevoir une fin de mission sans conséquence dramatique. Malheureusement, quand le diabolo avant heurta à son tour le sol, le X-15 se plia à la hauteur de la soute à équipements, derrière le cockpit, sans se briser, et glissa sur un kilomètre, le ventre raclant la poussière !

L'état du moteur XLR-11 après l'explosion

 

 

Tandis que le moteur défaillant était démonté et envoyé pour expertise au laboratoire de pro-pulsion de l'Air Force à Edwards, l'avion fut chargé sur un semi-remorque et convoyé jusqu'à l'usine de North American à Inglewood, où il arriva au matin du samedi 7 novembre. Malgré le week-end, tous les principaux ingénieurs du projet, " Stormy " Storms et Charles Feitz en tête, étaient là, à pied d'oeuvre, pour comprendre ce qui s'était passé.

On constata d'abord que la rupture de l'avion s'était produite entre l'arrière de la soute à équipements et l'avant du réservoir d'oxygène liquide, juste à la jonction entre les section avant et centrale du fuselage. Presque la moitié des attaches avaient sauté servant de fusible sous une très forte contrainte.

Mais pourquoi ? En poursuivant les investigations, on s'aperçut que l'avion s'était posé à la masse de 6,9 tonnes contre 6,3 habituellement, la vidange du réservoir d'oxygène n'ayant pas été totale. L'enregistrement des paramètres du vol montra que l'incidence à l'atterrissage était de 3° supérieure à la normale. Ces valeurs excessives avaient soumis le train avant à une accélération de 20 g à l'impact au lieu de 4 et, comme la jambe de train n'avait pas cédé, l'effort s'était propagé jusqu'à la partie la plus faible de la structure. Enfin, on découvrit que l'amortissement du train avant était anormalement faible, l'azote sous pression se mélangeant au liquide hydraulique pour former une émulsion dans l'amortisseur qui était devenu inefficace sur un bon tiers de sa course.

Quant à l'origine de l'explosion du moteur, cause de l'accident, elle était fort simple. La chambre de combustion supérieure du moteur XLR-11 s'était remplie du mélange de propergols mais l'allumage ne s'était pas produit. Les propergols accumulés avaient formé une sorte de gélatine comparable à du napalm qui avait explosé au premier choc. Et la déflagration, heureusement limitée, ne s'était pas fait attendre.

Après une semaine d'enquête, North American avait pu cerner l'étendue des dégâts, et déterminer les mesures à apporter non seulement au X-15 n° 2, mais aussi aux deux autres exemplaires de l'avion de recherche. On put, dès lors, estimer avec quelque réalisme les incidences de l'accident sur 1e calendrier des essais.

Le 13 novembre, Charles H. Feitz estimait que l'avion accidenté pourrait être réparé et livré à Edwards au début de décembre. Les modifications apportées au X-15 n° 2 (renforcement des fixations plus nombreuses, mise en place d'un nouveau dispositif d'amortissement) seraient appliquées aux n° 1 et 3 toujours stationnés à Edwards. Pour le n° 56-6670, ces travaux seraient réalisés dans le cadre du chantier de modifications déjà en cours pour l'intégration de la plate-forme inertielle, lequel devait se terminer deux semaines plus tard. Quant au n° 56-6672 qui attendait toujours le premier moteur XLR-99, il était de toute façon immobilisé et les modifications prévues ne retarderait pas sa mise en service.

Au total donc, North American aurait, en l'espace d'un mois, étudié les causes et les remèdes, réparé l'avion n° 2 et modifié les deux autres exemplaires du X-15 ! L'industriel n'avait pas lésiné sur les heures supplémentaires ni sur les moyens. Les semaines de 80 heures de travail allaient presque devenir habituelles ; par ailleurs, on remit sur le projet nombre d'ingénieurs et de techniciens qui n'y travaillaient plus depuis plus d'un an. C'était urgent puisque les essais étaient complètement interrompus peu avant la saison des pluies.

Séquence du rupture du X-15

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