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II. Les premières études
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Translate : in English in Spanish in German 2-1 Les études préliminaires

 

 

Langley confia sa deuxième étude à John V. Becker qui dirigeait depuis 1945 les quelques travaux de recherche fondamentale sur le sujet. Le "groupe Becker", formé le 15 mars 1954, comprenait Maxime A. Faget (propulsion), Thomas A, Toll (stabilité et contrôle), Norris F. Dow (structures et matériaux) et John B. Whitten (pilotage).Le premier objectif du projet était d'affronter le "mur de la chaleur", les problèmes d'échauffement aérodynamique. Sa structure serait donc réalisée avec des matériaux peu ou pas encore utilisés en aéronautique ; pour le reste on utiliserait ce qui existait, la consigne étant d'aboutir au nouvel avion dans un délai raisonnable... d'environ trois ans! Pour l'envol, la meilleure solution, désormais éprouvée, était l'avion-porteur, un B-52, qui emporterait l'avion expérimental à 11.000 m et à Mach 0.7.

Ce choix fixait la longueur maximale de l'appareil, 15m environ, correspondant à l'empattement du train d'atterrissage du bombardier, l'engin étant semi-encastré dans la soute à bombes, comme le Bell X-1 dans son B-29. Dans ces conditions, et avec un moteur pouvant développer 20 tonnes de poussée, l'avion-fusée pourrait atteindre Mach 6,3 ou encore grimper jusqu'à 107 km d'altitude.

Les trajectoires, définies en considérant que les charges thermiques supportées par le véhicule ne dépasseraient jamais une moyenne de 908°C, seraient de deux types, correspondant aux vols "d'altitude" et aux vols de "vitesse", Maxime A, Faget opta pour un assemblage de quatre fusées General Electric A-1 "Hermès" d'une poussée unitaire de 6120 kg. Comme pour le X-1, un allumage séquentiel des fusées permettrait d'augmenter la poussée globale de 25 en 25 °/o, de 6 à 25 tonnes de poussée. Sensibilisé par des explosions de moteurs-fusées qui avaient déjà détruit un X-1, le X-1D et un X-2, Faget insista sur la sécurité et la fiabilité que devrait offrir le système de propulsion retenu.

Le Bell X-1

 

 

Le choix d'une configuration générale classique, avec aile droite et fuselage, s'imposait a priori pour le vol aux basses vitesses. Elle n'était peut-être pas la meilleure pour le vol hypersonique mais personne ne savait ce qu'il fallait faire dans ce domaine! Le projet imaginé par Becker et Toll était un véhicule de 14,5 m de longueur, de 8,3 m d'envergure, d'une masse à vide de 5 440 kg et 13,6 tonnes en charge.

L'aile, pourvue de volets et d'ailerons, avait une surface de 23 m2, un allongement de 3,0, un coefficient d'effilement de 0,14, une épaisseur relative de 5 % et une flèche au bord d'attaque de 300... La seule originalité du projet était alors un empennage en X qui disparut plus tard en cours d'étude. La première difficulté sérieuse fut posée par la stabilité et le contrôle.

Le 12 décembre 1953, Charles E. Yeager avait perdu le contrôle de son X-1A à Mach 2,44, à cause d'un phénomène prédit par les aérodynamiciens, le "couplage inertiel" qui, à Mach 6, serait considérablement amplifié. Le remède consistait à augmenter la surface de la dérive, mais à Mach 6, ce plan aurait les dimensions de l'aile ! Cependant, un ingénieur nommé Mc Leilan démontra qu’il était possible d'utiliser une dérive normalement proportionnée à condition de lui donner une forte section triangulaire.

Ainsi, avec un bord d'attaque formant un angle de 10 degrés la taille nécessaire de la dérive serait diminuée de plus de la moitié. Il était en outre possible d'augmenter cet angle au-delà de 100 degrés en utilisant des aérofreins placés sur la dérive, intéressante à plus d'un titre, l'ouverture de ces volets équivaudrait à une ouverture de l'angle du bord d'attaque de la dérive pour faire varier la stabilité. Enfin cette disposition réduirait l’échauffement aérodynamique, proportionnel à la dimension des plans.

L'empennage en X initial ne résista pas à l'analyse. A nombre de Mach élevé, la distribution des pressions autour de la partie arrière du fuselage réduirait vite la stabilité longitudinale. Finalement, l'empennage subit une rotation de 450, avec des surfaces horizontales dans le plan de l'aile, disposition qui n'était pas du tout traditionnelle dans les avions à hautes performances d'alors, la tendance étant plutôt de placer les stabilisateurs horizontaux au-dessus ou au-dessous du plan des ailes, voire de les supprimer. On envisagea ensuite, au-dessus et au-dessous du fuselage, deux dérives symétriques à profil triangulaire. Cependant, cette disposition n'étant pas sans inconvénient aux grands angles d'attaque, la dérive ventrale fut raccourcie de 25 %, ce qui résolut du même coup le problème de garde au sol à l'atterrissage.

Le bell X-1 sous un EB-50

 

 

A très haute altitude, en atmosphère raréfiée et au sommet de la trajectoire parabolique, le contrôle du véhicule ne pouvait être assuré par les gouvernes aérodynamiques. La solution était d'employer des petits moteurs-fusées au peroxyde d'hydrogène (H202), au bout des ailes et à l'avant du fuselage, John V. Becker prévoyait que la cellule atteindrait en certains points 1 200°C à Mach 6, ainsi qu'une répartition très hétérogène des charges thermiques sur la structure. Le calcul des trajectoires, selon les performances recherchées, devait aussi en tenir compte. D'emblée, Becker démontra qu'une rentrée atmosphérique à faible angle d'attaque serait dynamiquement et thermiquement insupportable, mais qu'elle semblait viable à grand angle d'attaque. Becker comprit par la suite que sa conclusion s'interprétait comme une nouvelle démonstration du principe du "corps camus" énoncé en 1951 par Julian Allen, aérodynamicien du laboratoire d'Ames, qui avait découvert qu'en émoussant le sommet des ogives des missi-les balistiques —idée plutôt singulière à l'époque—, la chaleur due au frottement de l'air se communiquait moins à la structure et s'évacuait mieux dans l'atmosphère.

Le matériau de structure le mieux adapté aux fortes charges thermiques était un alliage au nickel/chrome, 1'lnconel X, capable de conserver d'excellentes caractéristiques mécaniques jusqu'à 700°C environ. Pour absorber les pointes prévues à plus de 1200°C sur le bord d'attaque des ailes, on pouvait soit prévoir un double revêtement abritant un fluide réfrigérant, ou plus simplement, augmenter l'épaisseur du revêtement. Cette dernière solution fut d'autant mieux adoptée qu'elle n'alourdissait pratiquement pas l'appareil.

Mais il fallait encore que la structure résistât à des écarts de température considérables. On pouvait prévoit, par exemple 2000C de différence entre l'intrados et l'extrados de l'aile. Noms F. Dow proposa d'utiliser pour la voilure des nervures ondulées et raccordées en ciseaux, une structure capable de supporter des écarts importants de dilatation entre les revêtements extérieur et intérieur.

 

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