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Translate : in English in Spanish in German 10-5 Les vols d'étude avec le XLR-99

 

 

Au premier trimestre de l'année 1961, les responsables du programme X-15 se montraient satisfaits du travail accompli et confiants dans l'avenir. Le X-15 n° 2 équipé du gros moteur XLR-99 était désormais opérationnel et permettait la poursuite de l'exploration du domaine de vol jusqu'aux objectifs prévus en vitesse et en altitude : Mach 6 et 76 200 m, Le X-15 n° 1, quant à lui, pouvait maintenant céder la place et repartir chez North American où il recevrait, entre autres améliorations, le XLR-99. Cette confiance n'était pas très éloignée de l'euphorie... De " l'euphorie spatiale ", si l'on peut dire. Nul doute en effet que 1961 verrait les Etats-Unis atteindre la " nouvelle frontière " indiquée par leur nouveau Président, John F. Kennedy, celle qui ouvrait sur le "nouvel océan" de l'espace. Nul doute encore que le X-15, tôt ou tard, apporterait sa contribution à la conquête de l'espace.

L'arrivée sur la scène des opérations du X-15 équipé du XLR-99, allait accélérer, dans des proportions phénoménales, l'exploration du domaine de vol, jusqu'aux limites fixées par les maximas de charges dynamiques (mécaniques et thermiques). Au cheval de trait succédait un fougueux et surpuissant "mustang". Déjà, au cours des essais constructeur, Crossfield avait failli dépasser Mach 3, malgré tous ses efforts pour brider le X-15 n° 2, premier exemplaire à "gros moteur", Il avait fallu huit mois, de septembre 1959 à mai 1960, pour passer de Mach 2 à Mach 3 avec les XLR-11.

Le Major Robert M. White chevauchant (mission 2-13-26) pour la première fois le X-15 n° 2 et son XLR-99, atteignit Mach 4.43 ! Un point de Mach supplémentaire en une seule mission inaugurale : de mémoire aéronautique, on n'avait jamais vu ça ! La mission suivante (2-14-28), confiée à Joe Walker, se traduisit elle aussi par un record, d'altitude cette fois. Elle eut lieu le 30 mars, après un essai avorté neuf jours plus tôt par suite d'une défaillance du système de télémesures. Largué à la verticale d'Hidden Hills, à environ 210 km d'Edwards, Walker ne réussit à allumer le moteur-fusée qu'à la deuxième tentative.

Bob White

Poussant alors la manette des gaz aux deux tiers de la puissance maximale et ouvrant en grand les aérofreins pour limiter encore les performances, Walker entama la montée et atteignit Mach 3.95 à 33 530 m d'altitude au bout d'une phase propulsée qui dura 79 s. Au sommet de sa trajectoire balistique, le X-15 se hissa jusqu'à 51 700 m, nouveau record absolu. Pour la première fois, le pilote, équipé d'un nouveau modèle de combinaison pressurisée, 1'AP-22S, utilisa en opération les fusées du système de stabilisation à haute altitude, à partir de 46 000 m environ. Après une minute et demie passée en état de quasi-impesanteur. Walker retrouva les couches denses de l'atmosphère et commença la phase délicate de rentrée.

Alors qu'il évaluait l'efficacité du mini-manche de contrôle par une série de sollicitations et poussait au maximum la sensibilité du SAS, le système de stabilisation artificielle, le X-15 entra dans une série d'oscillations latérales, les plus violentes jamais rencontrées par Joe Walker qui faillit "s'en décrocher la mâchoire ". D'instinct. Il diminua la sensibilité du SAS et le véhicule se stabilisa en fin de rentrée, avant son rétablissement à basse altitude. Cet exemple, un parmi d'autres, montrait aux sceptiques la supériorité du véhicule piloté par rapport au véhicule télécommandé. Ce jour là, sans la présence du pilote, le X-15 serait certainement devenu incontrôlable et se serait écrasé dans le désert.

Ravitaillement du X-15 à moteur XLR-99

 

 

Le 21 avril 1961 eut lieu la mission 2-15-29 confiée au Major White et au cours de laquelle le moteur XLR-99 devait fonctionner pour la première fois à pleine puissance. Le programme prévoyait une vitesse supérieure de 0,4 Mach par rapport aux Mach 4,4 obtenus en mars, et l'évaluation des phénomènes thermodynamiques, de la stabilité et du contrôle. Lâché par le NB-52 au-dessus d'Hidden Hills, White rencontra la même difficulté que Walker pour allumer le XLR-99 ; le X-15 avait chuté de 3300 m lorsque le moteur réagit enfin. Le pilote poussa la manette des gaz jusqu'au plein régime et grimpa, aérofreins sortis, sur une pente de 30°. A 19 810 m d'altitude, il bascula à zéro g et, à 27 430 m, au bout de 67 s de régime propulsé, coupa le moteur-fusée en atteignant alors Mach 4,62. Pendant la période non propulsée, des manoeuvres de stabilité confirmèrent combien le SAS devenait indispensable au fur et à mesure de l'augmentation des performances.

Le point le plus critique concernait, on le sait, la stabilité latérale. Il était clairement démontré que le X-15 serait incontrôlable si l'amortisseur en roulis du SAS devenait inopérant au cours de la rentrée atmosphérique à angle d'attaque élevé. Or, une panne de tout ou partie du SAS ne relevait pas de l'utopie, comme le montra la mission suivante (2-16-31), datée du 25 mai 1961.

Ce jour là, Joe Walker devait encore augmenter la vitesse du X-15 jusqu'à Mach 5+, en étudiant encore une fois les problèmes thermiques et de contrôle. Largué à 320 km au nord-est d'Edwards, à la verticale de Mud Lake, Walker constata juste après que le SAS ne fonctionnait plus sur les axes de tangage et de roulis. Il réussit finalement à recouvrer la stabilisation latérale, mais la mission pâtit de l'incident puisque le X-15 n'atteignit "que" Mach 4,95 (au lieu de 5,1) et la température maximale rencontrée n'excéda pas 360 °C (au lieu de 370 °C).

 

 

Premier homme à franchir Mach 4, en mars 1961, le Major Bob White fut également le premier à atteindre Mach 5 (mission 2-17-33) avec une marge confortable (Mach 5,27) le 23 juin suivant, au cours d'un vol plutôt pénible tant pour le pilote que pour la machine. Peu après le largage, la cabine subit une dépressurisation, entraînant le gonflage de la combinaison du pilote dont les mouvements furent alors entravés. Pour éviter d'avoir à bouger les bras, White utilisa le mini-manche de contrôle de bout en bout de la mission, y compris pour l'approche et l'atterrissage. Par ailleurs, ce vol à Mach 5+ fit souffrir le revêtement de l'aile, dont l'extrados fut porté à la température de 440 °C en arrière des joints d'expansion de bord d'attaque ; l'écoulement de l'air y devint turbulent.

Le 11 octobre 1961 pour le mission 2-20-36, Bob White et le X-15 n° 2 atteignirent 66 150 m d'altitude, valeur un peu supérieure de 8 % à l'objectif prévu, à cause d'un angle de montée supérieur, pendant une poignée de secondes, aux 32° prévus. Toutefois, le seul dommage que ce dépassement provoqua, fut de froisser l'exigeant amour propre du pilote ! Au sommet de la parabole, la pression dynamique autour de l'avion avait chuté à 14,65 kg/m2 mais la descente jusqu'à une altitude où l'avion pouvait retrouver une pression suffisante, de l'ordre de 1 270 kg/m2, pour voler à nouveau, se fit en douceur, sans amorce de décrochage et avant même que le véhicule ne quittât l'impesanteur relative.

Après avoir utilisé le manche de contrôle associé au dispositif de stabilisation par micro-fusées, sur la trajectoire balistique, White reprit vite le mini-manche " high g " pour contrôler le véhicule, dès lors que les accélérations augmentèrent, qui devaient atteindre + 4,5 g durant la rentrée atmosphérique. La température du véhicule grimpa jusqu'à 480°C ; ceci eut une conséquence inattendue et spectaculaire lorsque le X-15 effectua son rétablissement final à basse altitude. La couche externe du pare-brise gauche se fissura complètement, à cause du refroidissement différent de la vitre et de son encadrement métallique. Toutefois, White gardait assez de visibilité sur la droite et, avec l'aide efficace des avions d'accompagnement, se posa sans encombre sur le Rodgers dry Lake.

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